VIH: LA MORT LENTE D' UNE SÉROPOSITIVE EN BERLUSCONIE
Le 2 décembre 2009
Elle pèse 35 kilos, a 48 ans, séropositive depuis 25 ans et survit (ou plutôt, se laisse mourir) avec une allocation de 260€ par mois. Son prénom est Caterina, Caterina Zorzi, elle vit à Trieste, mais - elle se définit comme - " orgueilleuse de Padoue, fièrement vénitienne." Depuis juillet, elle a décidé d'arrêter la thérapie antirétrovirale. Un choix fort, choix extrême, que de nombreux forumeurs connaissent pour en avoir débattu les dernières semaines suite à une lettre dénonciation postée sur les forums. Caterina, aujourd'hui épuisée après s'être adressée - sans succès - à plusieurs institutions locales ( ville, province et région) pour obtenir une aide, explique les raisons qui l'ont conduite à lâcher prise.
"Ce n'est pas une provocation", écrit Caterina, "mais une décision soupesée pendant des mois et des mois de réflexion, après en avoir discuté avec des amis, des gens dans la même condition que la mienne, avec le personnel de santé et avec mes proches. Beaucoup ne partagent pas mon choix, parce qu'ils veulent et pensent qu'ils peuvent voir en moi ce que j'étais, une personne séropositive encore digne. Dignité qui m'a été retirée après m'avoir déclarée civilement morte ou, pour dire mieux, plus en état de survivre". " Donc, poursuit-elle,: «J'ai fait mon choix, au nom de la Dignité que l'on me reconnait pas, je renonce à la thérapie salvatrice et je choisis l'euthanasie auto-induite".
Que dire? Il y a de quoi faire pâlir certaines opérations anti-VIH promues par les institutions étatiques et les organismes à l'occasion du 1er décembre, qui donnent la mesure de combien est courte la mémoire sur l'infection avant et après une journée, qui pour Caterina et les personnes dans les même conditions, a le goût d'une plaisanterie.
Malgré tout Caterina est battue, mais pas vaincue: combative, agressive, par moment elle se laisse déborder par la douleur et les larmes, mais se reprend ensuite par un mauvais mot et repart - fusil à la main - contre ceux qui ont fait du VIH / sida un business et contre ceux qui ne tiennent pas compte de la dignité humaine.
Pourquoi as-tu pris une décision aussi radicale? Que t'attends-tu à obtenir?
«Pour moi, c'est une façon comme une autre pour vivre et pour mourir. La mienne est une dénonciation contre cet Etat et les compagnies pharmaceutiques qui exploitent même notre mort. Derrière notre maladie il y a des business et des intérêts commerciaux énormes qui ne tiennent pas compte de qui nous sommes, de ce que nous avons besoin. Les gens nous considèrent toujours comme des pestiférés: je suis allée à la célébration du 1er Décembre à la gare de Trieste et l'ambiance qui était déjà plate, était rendue encore plus triste par l'indifférence des passants - y compris les jeunes - qui nous regardaient comme si nous voulions les contaminer".
Donc, tu t'es rendue?
" Mon c ..., je me suis rendue! Je demeure une combattante et une combattive! Je ne me suis pas rendue, je ne veux juste ne pas me faire exploiter. Une commission m'a déclarée invalide à 100%, ce qui me donne droit à une pension de 260 euros. Explique-moi quelle vie peut-on avoir avec une somme pareille dans une ville qui est parmi les premieres en Italie en matière de coût de vie. "
A l'étranger, c'est différent?
"En Grèce, la pension est de 580 euros en Espagne et au Portugal de 480 euros. En Italie quelqu'un comme moi, qui a travaillé pendant 10 ans comme opératrice psychiatrique (quoique au noir), n'a pas le droit de vivre dignement malgré la maladie ».
Tu as demandé de l'aide?
"A tout le monde: Ville, Province, Région. La réponse est qu'ils n'ont pas de budget pour aider les malades. Ils préfèrent gaspiller l'argent public dans des œuvres pharaoniques, plutôt que de permettre aux gens en difficulté de vivre décemment. "
Dans le passé tu t'es battue pour les autres ...
"A Trieste, je me suis battue bec et ongles, pour faire fermer une structure délabrée dans laquelle les conditions hygièniques et sanitaires étaient abjectes, où ils prétendaient soigner les personnes vivant avec le VIH / sida. Nous nous sommes battus pour que soient utilisés les fonds européens et soit ouverte une structure plus appropriée. Dans le passé, j'ai participé à des révoltes d'étudiants, notre groupe s'est battu pour élargir la disponibilité de l'espace des maladies infectieuses de l'hôpital Spallanzani et à Milan nous avons occupé Farmindustria pour faire arriver les antirétroviraux en Italie. "
Aujourd'hui comment vas-tu?
" Je vais mal, j'ai une serie de mal être et de crises liées à la maladie. Dans la maison où je vis, pour diverses raisons, je n'arrive pas à dormir. Puis, hier je suis allé à l'hôpital, j'ai attendu 5 heures pour un simple prélèvement et le médecin qui m'a examinée, en dépit d'avoir trouvé que j'avais quelque chose aux poumons, ne m'a même pas fait faire de radios".
Combien te suffirait-il pour racheter un minimum de dignité?
"Avec 600 euros par mois, je pense pouvoir le faire. Mais il y est impossible de faire comprendre aux institutions qu'avec 260€ on condamne un malade à une longue et indécente agonie ".
En 2000, tu as perdu un fils dans un accident, il avait 18 ans et tu as fait en sorte que ses organes soient donnés à ceux qui en avaient besoin. Que penses-tu s' il savait que tu a décidé de ne plus te soigner?
«Mon fils Alexandre me dirait de continuer à me soigner. Mais je lui expliquerais que ça, ce n'est pas une vie. Que cela n'a aucun sens de continuer à vivre de cette façon".