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Le blog des séropositifs en colère
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26 juillet 2011

VIH / SIDA: Interview de Françoise Barré-Sinoussi

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"Nos découvertes ne servent pas à grand chose si les gouvernants n'assurent pas les soins à tous". Françoise Barré-Sinoussi, virologue à l'Institut Pasteur à Paris, prix Nobel de médecine avec Luc Montagnier pour la découverte du virus du sida.

ROME - A ce jour, malgré les grands progrès de la recherche, il n'existe aucun remède définitif contre l'infection par le VIH / sida, ni de vaccin préventif. La thérapie antirétrovirale a fait des pas de géant au cours des trois décennies de l'histoire de cette infection, permettant aujourd'hui aux patients de vivre une vie "quantitativement" normale, mais au prix d'une sorte d'une espèce de condamnation à perpétuité thérapeutique, parce que les médicaments sont assumés à vie et ne sont certainement pas exempts d'effets secondaires. C'est pour cela que le monde de la recherche continue à explorer d'autres voies, en cherchant des idées même dans les petits groupes des patients qui montrent un comportement particulier lorsqu'ils sont exposés au VIH.

Pourtant, la modification du calendrier de prise de traitement change. Jusqu'à présent, la décision sur l'initiation de la thérapie antirétrovirale (ARV), se basait essentiellement sur la réponse de l'organisme à l'infection; lorsque le nombre de lymphocytes T CD4 + descendait sous le seuil (arbitraire) de 500 cellules par millimètre cube, on démarrait le traitement. Mais à la lumière des dernières études présentées à Rome à la Conférence mondiale contre le sida (IAS 2011) qui vient de s'achever, les choses pourraient vite changer.

Françoise Barré-Sinoussi, qui a découvert le virus du VIH a reçu le Prix Nobel 2008 de médecine, et qui est maintenant Présidente de l'International AIDS Society donne son avis.

"Il est nécessaire de commencer le traitement dès que possible - dit la scientifique -. Les études ont désormais démontré qu'en traitant le patient on est en mesure de réduire la mortalité et il y a un net bénéfice pour la société. Traiter précocement les personnes infectées par le VIH signifie en fait réduire le risque de transmettre l'infection au partenaire. Mais cela comporte également la nécessité d'améliorer le cadre de diagnostic; il faut pousser les gens à se faire tester pour le VIH. Thérapie très précoce signifie en effet traiter dès que le test VIH est positif, sans attendre la baisse de CD4 +. Ce n'est pas encore une recommandation officielle des lignes directrices, mais j'ai des raisons de croire que cela sera bientôt le cas. Pour l'instant, la décision de commencer un traitement immédiatement après le résultat positif du test est à la discrétion du médecin".

Étendre le traitement à toutes les personnes positives au test VIH, quel que soit le nombre de lymphocytes CD4, est une approche durable?
"Certes, c'est une approche difficilement à maintenir d'un point de vue économique dans les pays en développement. Mais ce n'est pas tout. Je travaille beaucoup avec l'Afrque et le Sud est asiatique donc je connais bien ces réalités. Le programme national au Cambodge, par exemple, prévoit de traiter tous les patients lorsque la numération des CD4 tombe en dessous de 500. Mais dans ce pays, les personnes infectées par le VIH arrivent souvent à l'hôpital avec un nombre de CD4 inférieur à 50. Et cela parce que jusqu'à présent personne ne leur a jamais proposé de se soumettre au test. Il y a donc beaucoup de travail à faire pour améliorer le système sanitaire, même si ce processus pour la vérité a déjà été lancé, grâce à des initiatives comme le Global Fund, le PEPFAR, la Fondation Clinton ".


Comment mettre en œuvre le recours au de test de dépistage du VIH?
"Au Congrès de Rome différentes solutions ont été examinées, tels les tests community-based, home-based et même les auto-tests pour le VIH. Aujourd'hui même un test rapide à faire chez soi qui ressemble à un test la grossesse qui s'effectue avec une gouttelette de sang est disponible. En fait, cette méthode d'essai m'inquiète un peu et me laisse perplexe, car je crois que la personne infectée par le VIH a besoin d'information et de conseil. C'est trop dur de découvrir soi même sa séropositivité dans un contexte encore chargé de stigmatisation et de discrimination. Je ne pense pas que nous soyons prêts pour l'auto-diagnostic. Au contraire, surtout dans les pays en développement, les tests de communauté peuvent représenter une ressource. Parce que les communautés sont de plus en plus organisées et peuvent intervenir avec le conselling et l'éducation ".

Qui devrait se soumettre au test?
"Tout le monde peut être considéré à risque, nous le savons depuis longtemps. Quiconque a eu des relations sexuelles non protégées, devrait faire le test pour le VIH. Mais je crois que le test doit rester volontaire, parce que c'est une question de responsabilité de l'individu . Chacun doit assumer ses responsabilités. Mais certainement, le rôle du médecin est celui de proposer le test. Les médecins, surtout les privés, du moins dans mon pays, ne proposent pas volontiers le test à leurs patients. Nous devons améliorer cette approche au niveau de la médecine privée, mais aussi dans les hôpitaux, qui ne doivent pas se limiter à le proposer seulement aux femmes enceintes".

Quel est l'avenir de la thérapie? Éradiquer l'infection ou la tenir sous contrôle?
"Le rêve de tous est bien sûr d'arriver un jour à éradiquer complètement l'infection ou au moins de trouver une cure fonctionnelle. Nous apprenons beaucoup par l'observation de groupes particuliers de patients. Les élite controller, par exemple, représentent une véritable rareté , à peine 0,3% de tous les patients infectés par le VIH. Il y a ensuite Ces personnes peuvent contrôler leur infection naturellement. Puis il y a les long term non progressor (1% de toutes les personnes infectées par le VIH ), des patients qui ne montrent aucun signe de maladie pour une longue période, même en ayant l'infection".

"Les élite controller n'auront jamais besoin de recevoir un traitement antirétroviral, car ils sont capables de contrôler spontanément la réplication du virus. Il n'est pas possible de détecter la présence du virus dans leur sang, en outre, la dimension de leurs cellules-réservoirs, celles qui représentent les réservoirs du virus sous forme latente, est beaucoup plus petite, en somme, ces personnes ont une réponse immunitaire forte et efficace capable d'éliminer les cellules infectées et de contrôler l'infection".

"Il y a ensuite un autre petit groupe de patients, dépourvu d'une réponse immunitaire efficace et quand même en mesure de limiter l'infection à travers un autre mécanisme, que nous essayons de découvrir. Leurs cellules sont moins susceptibles à l'infection VIH . Mais non pas pour une question de récepteurs, comme dans le cas du patient allemand. Le virus dans ce cas pénètre dans la cellule, mais trouve ici un facteur cellulaire inconnu en mesure bloquer la réplication à l'intérieur de la cellule".

Quel est le rôle de l'immunothérapie dans le traitement de l'infection à VIH?
"Jusqu'à présent, elle n'a jamais fonctionné. L'utilisation d'immunomodulateurs, de vaccins a déjà été testée dans l'infection à VIH, mais sans succès. Cela ne signifie pas que dans l'avenir cela ne puisse pas fonctionner, mais apparemment, jusqu'à présent, nous n'avons pas utilisé la meilleure stratégie . Personnellement, je ne pense pas qu'en utilisant seulement la multithérapie ou tout seulement la vaccino-thérapie, cela ne marchera jamais. Peut-être que ça pourrait fonctionner en traitant les patients très tôt, immédiatement après l'infection, avant même la séroconversion, et en réalisant aussi dans ce cas une cure fonctionnelle".

"Chez les patients ayant une infection chronique, déjà traités par une multithérapie depuis longtemps, je ne pense pas que l'approche d'immunothérapie puisse fonctionner, parce que leurs défenses immunitaires ont déjà été trop soumises à l'infection. Chez ces patients, il semble plus logique de chercher d'autres stratégies thérapeutiques, comme par exemple tenter de tuer les cellules qui hébergent le virus sous forme latente, en purgeant les réservoirs du virus avec des nouveaux médicaments. C'est le cas par exemple des HDAC (inhibiteurs de l'histone désacétylase), des médicaments en mesure de débusquer le virus, d'en débloquer la latence, de cette façon le virus qui commence à se répliquer, peut être touché et bloqué par la Haart dans un deuxième temps. Chez les patients soumis à ce traitement séquentiel, l'ajout de l'immunothérapie ou d'un vaccin pourrait fonctionner. Nous avons plusieurs idées, diverses lignes de recherche en cours, plusieurs scénarios pourraient se présenter selon le moment où nous allons traiter le patient, en phase très précoce, précoce ou tardive".

Et la thérapie génique? Pourrait-elle jouer un rôle dans le traitement du VIH / SIDA?
"Il y a des données encourageantes, mais la thérapie génique peut être aussi très toxique. L'approche utilisée jusqu'ici est représentée par les inhibiteurs des nucléases, qui sont utilisés dans la tentative pour empêcher les cellules d'exprimer les récepteurs pour les chimiokines (CCR5), qui représentent une porte d'entrée du virus dans les cellules. Mais cette thérapie peut être très toxique pour les cellules. En somme, il est est encore vraiment trop tôt pour envisager la thérapie génique comme une possibilité concrète de traitement".

Sur le front de la prévention, quelles sont les nouveautés apportées par ce congrès?
"Nous sommes tous très satisfaits et optimistes, grâce à ces nouvelles données qui démontrent comment le traitement représente également une stratégie de prévention. Mais nous devons nous rappeler que ce n'est pas la solution dans l'absolu, et donc nous ne devons pas négliger les mesures de prévention traditionnelles. Au Congrès de Rome des données importantes ont été présentées qui confirment comment la circoncision peut également jouer un rôle important dans la prévention. Le changement des comportements à risque demeure toutefois essentiel. Pour les femmes des nouvelles formulations de microbicides ont été mises au point, y compris des gels contenant des agents antirétroviraux. Je suis assez optimiste pour l'avenir ".

Quel est le message à ramener chez soi de la conférence de Rome?
"Comme tous les scientifiques dans le monde, nous sommes ici pour faire des découvertes, pour contribuer au progrès scientifique. Mais nous devons toujours nous rappeler que si les découvertes des scientifiques ne sont pas mises en œuvre à grande échelle, nous perdons tous de l'argent et du temps pour rien. Et cela est inacceptable. Les gouvernants doivent continuer à approfondir leur engagement pour rendre les soins accessibles à tous".

M.R. MONTEBELLO

 

 

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