La fête des grand-mères
De mémoire en oubli
Dans cet ascenseur qui va aussi vite qu’un slow,
Tu me salues d’un civil « Monsieur »,
Me prenant pour le premier clampin venu :
Ta mémoire clopine et cloche,
Te mène en bateau.
Grand-mère,
Le poids des années épointe tes facultés,
Gâtées par l’enfilade des saisons ;
Tes méninges sont un herbier
Auquel on a fauché quelques feuilles.
Tu manifestes encore un peu de malice
Avec tes yeux polissons,
Tes persiflages et autres moqueries.
Mais l’étiolement a l’heur de t’étreindre :
Tu ne jettes plus guère ton bonnet par-dessus les moulins…
Dis Mamie, j’ai revu la Sarraudie.
Enfin, ce qu’il en restait…
La bâtisse supplie bien plus qu’un lange :
Décatie, passée, poussiéreuse,
L’âge et la végétation la rongent et la ruinent,
Implacables et insensibles.
La vie s’y accroche mais s’essouffle,
Je n’ai osé lui sonder les reins et le cœur…
Au mieux, tu bisses tes questions,
Quand tu ne les triples pas.
J’observe pudiquement ton amnésie,
Qui ne peut se voiler de distraction ou d’étourderie…
Lucidement.
Je sais.
Mamie,
Es-tu en hiver 1930
A marcher en sabots sur les sentes,
Ou reverras-tu le printemps ?
publié par Tsi-Na-Pah